Revenir à la liste des dossiers

Les bienfaits d'une activité physique pendant la grossesse

femmes enceintes en train de faire une posture de yoga

Avant les années 80, la principale raison pour déconseiller le sport pendant la grossesse était basée sur l’idée que le fœtus était susceptible de manquer d’oxygène et de nutriments, et d’être exposé à trop de chaleur. Les études étaient alors insuffisantes pour connaitre l’impact de l’exercice sur la mère et le bébé. Qu’en est-il maintenant ?

Par Caroline De Toni

1/ Comment se modifie le corps pendant la grossesse?

La grossesse est associée à des changements physiologiques et morphologiques importants, afin de permettre le développement du fœtus.

La prise de poids est le signe le plus évident et provient entre autres du bébé, du placenta et du liquide amniotique et de l’augmentation de masse graisseuse. Ce changement morphologique important a un impact sur la posture, l’équilibre et la coordination des mouvements1. Le diaphragme se déplace vers le haut, sans changement de la capacité respiratoire.

Au niveau physiologique, la sécrétion d’insuline augmente pour augmenter le stockage graisseux, puis dans la seconde moitié de la grossesse, les hormones placentaires agissent pour développer la résistance à l’insuline et augmenter la concentration de glucose dans le sang pour permettre au bébé d’accéder plus facilement au glucose du sang maternel (si la résistance à l’insuline augmente trop, alors un diabète gestationnel peut se développer). En effet, le glucose permet la croissance et le développement du fœtus, qui utilise 30 à 50% du glucose maternel. La femme enceinte est également plus sensible au dioxyde de carbone et réagit en augmentant la fréquence respiratoire1. La régulation cardio-vasculaire est également modifiée puisque la résistance des vaisseaux diminue, et l’organisme doit alors augmenter le volume sanguin pour maintenir une bonne pression artérielle. Aussi, la fréquence cardiaque de repos augmente de 15 à 20 battements par minutes par rapport à avant la grossesse1,2.

2/ Quels sont les effets de l’exercice physique sur la mère et son bébé ?

Les modifications physiologiques

Pour les activités qui requièrent de porter son poids (marche, course…), la demande en énergie de la part de la mère et la fatigue associée augmentent proportionnellement avec la prise de poids1. En revanche, pour les activités telles que l’aquagym, le vélo pour lesquelles il n’y a pas à porter le poids du corps, la demande énergétique ainsi que la fatigue associée est la même en dehors et pendant la grossesse1.

L’exercice provoque une augmentation de la concentration d’insuline du plasma sanguin, associé à une diminution plus rapide du glucose sanguin dont la concentration reste basse (ainsi que celles du lactate1,2 et de l’insuline) après l’exercice2. En effet, le glucose est utilisé en priorité par le fœtus, mais lors d’une activité physique, le glucose est la première source énergétique du muscle. Par conséquent, le fœtus utilise le lactate (issu de la transformation du glucose en énergie sans oxygène) pour produire l’énergie nécessaire à son développement1,2. En effet, l’accumulation de lactate est moins importante chez la femme enceinte1.

La température corporelle augmente d’environ 0.5°C pendant la grossesse. Des mécanismes tels qu’une meilleure vasodilatation périphérique et un système de transpiration se mettant en place plus rapidement permettent de limiter l’augmentation de la température corporelle pendant l’exercice1.

Lors d’un exercice physique, le rythme cardiaque du fœtus augmente, de manière proportionnelle à l’intensité et à la durée de l’exercice1,2. Quand la mère s’exerce, le flux sanguin à destination de l’utérus diminue modérément, mais cette baisse est compensée par une concentration plus importante en cellules sanguine et une redistribution du sang vers la surface utérine au détriment du muscle pour conserver un transport adéquate de l’oxygène vers le fœtus1.

Il arrive que le rythme cardiaque du fœtus diminue (bradycardie), afin de compenser le manque d’oxygène, lors d’un exercice plus intense et surtout après. Ceci se produit lorsque le débit cardiaque maternel chute à l’arrêt de l’exercice et que les vaisseaux sanguins des muscles maternels sont encore dilatés. Il est alors important d’arrêter progressivement l’exercice pour éviter ce genre de réaction1.

Les bienfaits d’une activité sportive pendant la grossesse

De manière générale, la pratique d’une activité sportive prénatale d’intensité modérée est associée à des effets bénéfiques pour la femme enceinte et pour l’enfant à naitre3,4.

Elle permet de réduire les risques de diabète gestationnel3,4, de pré-éclampsie, d’hypertension gestationnelle, de dépression prénatale3, de macrosomie fœtale (gros bébé)3,4, et de diminuer la probabilité de prématurité4. Elle permet aussi de limiter la prise de poids durant la grossesse4. Il est important de préciser que la pratique sportive d’intensité modérée n’est pas associée à une augmentation du risque d’évènements pouvant nuire à la mère ou au bébé (naissance prématurée, bébé de petite taille, fausse couche, mort subite du nourrisson)1,3–5. C’est au contraire le fait de ne pas s’engager dans une activité physique dès le premier trimestre qui augmente les risques de complications3.

Les bénéfices concernant la santé augmentent proportionnellement en fonction de l’intensité, de la durée et de la fréquence de la pratique. Cependant, aucune limite haute n’a été établie, il est donc préférable de demander conseil à son médecin pour un entrainement d’intensité élevée.

L’entrainement du périnée par des exercices spécifiques permet de limiter les risques d’incontinence pré et post natale3.

3/ Recommandations de bonne pratique

Les femmes ne présentant pas de contre-indications (voir tableau 1) à la pratique sportive devraient faire du sport pendant la grossesse. Ceci est valable à la fois pour les femmes ayant été inactives avant la grossesse et pour les femmes déjà actives, mais également pour les femmes en surpoids ou obèse avant la grossesse3. Les femmes n’ayant pas l’habitude de pratiquer une activité sportive devraient commencer par une pratique d’intensité faible, et augmenter progressivement l’intensité et la durée (par exemple commencer à 15 minutes/3 fois par semaine et monter progressivement à 30 minutes 4 fois par semaine)3,5. Les femmes pratiquant déjà une activité physique avant la grossesse peuvent continuer leurs activités mais en adaptant l’intensité et la fréquence en fonction du stade de la grossesse5.

Tab. 1 : Contres-indications à la pratique sportive.
Contre-indications strictes Contre-indications à discuter avec son médecin
Travail prématuré Hypertension gestationnelle
Saignements vaginaux persistants d’origine inconnue Antécédent de naissance prématurée
Placenta praevia (localisation anormale) après 28 semaines Maladie cardio-vasculaire ou respiratoire modérée
Pré-éclampsie Anémie symptomatique
Col dilaté Malnutrition
Restriction de croissance intra-utérine Trouble de l’alimentation
Grossesse multiple à partir de triplets Grossesse gémellaire après 28 semaines
Diabète de type I non stabilisé D’autres problèmes médicaux significatifs
Hypertension non stabilisée
Maladie de thyroïde non stabilisée
D’autres maladies graves cardio-vasculaire, respiratoire ou systémique

Il est recommandé de pratiquer au moins 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée par semaine (exemples : vélo stationnaire, aérobic aquatique, marche rapide, activité domestiques comme le jardinage, entrainement de résistance). Une bonne façon de vérifier l’intensité de la pratique est de tester s’il est possible d’avoir une conversation pendant celle-ci. Vous pouvez également vous référer au tableau 2 pour connaitre les correspondances entre le rythme cardiaque et l’intensité de l’exercice3. Les femmes enceintes devraient varier les exercices et intégrer des entrainements aérobic et de résistance, ainsi que des exercices d’étirements et de yoga, pour obtenir de meilleurs résultats sur leur santé. Des exercices spécifiques pour le périnée (physiothérapie) sont également bénéfiques pour les incontinences urinaires et les sensations de pesanteur3,5.

Tab. 2 : Correspondance entre l'intensité de l'exercice et le rythme cardiaque chez la femme enceinte3.
Age maternel Intensité Rythme cardiaque
moins de
29 ans
Faible 102-104
Modérée 125-146
Elevée 147-169
30 ans
et plus
Faible 101-120
Modérée 121-141
Elevée 142-162

Certaines précautions sont à prendre1–3 :

  • Il est déconseillé de pratiquer les activités suivantes pendant la grossesse :
    • La plongée : le bébé n’est pas protégé contre le mal de décompression et les embolies gazeuses ;
    • Les sports de contact ou à risque de chutes : incluant équitation, hockey sur glace, ski, gymnastique, vélo non stationnaire…
    • Les activités dans un environnement trop chaud et humide (exemple : yoga chaud) ;
    • Les activités au-dessus de 2500 m pour les femmes vivants en-dessous de 1500 m d’altitude.
  • Hydratez-vous bien avant, pendant et après l’activité sportive ;
  • Ayez un régime suffisamment riche pour disposer d’assez de glucose pour le bébé et vous-même pendant l’activité physique ;
  • Terminez votre entrainement de manière progressive, pour laisser le temps à votre corps de récupérer et de s’adapter à la transition exercice-repos ;
  • En cas de diastasis (séparation des muscles abdominaux), il est important d’éviter les exercices de renfort abdominal et de consulter un physiothérapeute pour des exercices adaptés.
  • Pour les athlètes, ou les femmes s’entrainant de manière bien plus intense, il est recommandé de demander conseil à un gynécologue pour s’assurer d’avoir une pratique sans risques pour la maman et le bébé.
  • Si vous ressentez l’un des symptômes suivants – souffle court qui perdure au repos, douleur intense de poitrine, contractions utérines régulières et douloureuses, saignements vaginaux, perte de fluide par le vagin (rupture de membrane), nausées ou vertiges qui perdurent au repos – arrêtez l’entrainement et consultez votre médecin.
  • Si vous êtes en surpoids, préférez des sessions d’exercices supervisés avec des professionnels qui sont plus efficaces que les exercices fait chez soi5.
Revenir à la liste des dossiers