L'endométriose et ses pistes thérapeutiques
L’endométriose concerne 5 à 10% des femmes. Elle est encore sous diagnostiquée et il faut en moyenne 6 à 10 ans après le début des symptômes pour qu’un diagnostic soit posé. Récemment, une étude a fait grand bruit en annonçant le développement d’un test salivaire pour dépister plus rapidement l’endométriose. Cela m’a donné envie de faire un point sur l’endométriose à l'occasion de la 18ème semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose : quels sont les mécanismes impliqués dans le développement de la maladie, qu’en est-il de ce nouveau test de dépistage, quelles sont les solutions thérapeutiques et comment l’ostéopathie peut aider.
Par Caroline De Toni
1/ Qu'est ce que l'endométriose?
Notre utérus est tapissé à l’intérieur d’une muqueuse qu’on appelle endomètre. Durant chaque cycle, c’est cet endomètre qui va se gorger de sang et s’épaissir pour éventuellement accueillir un embryon et permettre son développement.
L’endométriose est définie comme la présence d’endomètre en dehors de l’utérus. On peut en retrouver au niveau du bassin - ovaires, trompes, ligaments, cul de sac de Douglas – mais également en dehors du bassin – organes digestifs, poumons, péricarde, diaphragme. Même si ces morceaux d’endomètre sont en dehors de l’utérus, ils continuent à réagir aux fluctuations hormonales en grossissant puis en saignant en l’absence de fécondation. Il est intéressant de noter que l’implant d’endométriose n’est pas identique à l’endomètre et possède des caractéristiques histologiques, biologiques et morphologiques différentes.
Le premier symptôme de l’endométriose est la douleur pelvienne (dysménorrhée) invalidante, une douleur qui empêche la personne de s’adonner à ses tâches quotidiennes et qui est résistante aux antalgiques classiques. Elle peut s’étendre dans le bas du dos. A cette douleur s’ajoutent d’autres symptômes tels que les troubles menstruels – règles abondantes, douloureuses, perte de sang en dehors des règles -, les douleurs aux rapports sexuels (dyspareunie), les troubles digestifs ou urinaires, une défécation douloureuse ou encore une fatigue chronique. L’endométriose est aussi une cause d’infertilité. Les symptômes sont variables d’une femme à l’autre, et leur sévérité n’est pas corrélée au stade de la maladie. Vous retrouverez plus de précision sur le site internet de l’association française de lutte contre l’endométriose.
Les facteurs de risque incluent l’âge des premières menstruations inférieur à 11 ans, des menstruations longues et abondantes. L’endométriose est également associée à une modification du microbiote.
2/ Comment se développe l'endométriose?
L’endométriose se présente de manière très différente d’une femme à l’autre. C’est parce que de multiples facteurs interviennent dans cette maladie : anatomique, hormonal, immunologique, génétique et environnemental.
Deux principales théories se sont développées pour expliquer l’origine de l’endométriose.
Selon la théorie in situ proposée par Waldeyer en 1870, le tissu endométrial retrouvé à l’extérieur de l’utérus est en fait le résultat d’une transformation des cellules locales : par exemple des cellules intestinales qui se modifient pour devenir des cellules d’endomètre, on parle alors de métaplasie, ou des cellules embryonnaires donc non transformées qui deviennent des cellules d’endomètre, on parle alors de différentiation. Cette théorie pourrait expliquer pourquoi des jeunes filles non menstruées ou très récemment menstruées souffrent tout de même d’endométriose, et pourquoi on la retrouve chez certains hommes dans le syndrome de Mayer–Rokitansky–Küster–Hauser.
Selon la théorie de la transplantation proposée par Sampson en 1927, lors des menstruations, des cellules de l’endomètre seraient expulsées à l’extérieur de l’utérus via les trompes de Fallope. Elle est confirmée par le fait qu’il a été retrouvé du sang menstruel dans le liquide péritonéal chez près de 90% de femmes en bonne santé avec des trompes de Fallope perméables et chez seulement 15% des femmes avec des trompes obstruées. De plus, les recherches ont montré que le reflux de tissu menstruel se produit communément chez 76-90% des femmes ayants des trompes perméables. Pour expliquer la présence d’endomètre ailleurs qu’au niveau pelvien, il pourrait y avoir un mécanisme de dissémination via le système sanguin et/ou lymphatique.
A l’heure actuelle, on considère que la pathogenèse de l’endométriose combinerait les deux théories, puisque qu’il existe plusieurs types d’endométriose. De plus, le fait que les implants d’endométriose soient différents de l’endomètre soutient l’idée d’une mise en place complexe et environnement dépendant de la maladie. En effet, les implants d’endométrioses peuvent se résorber spontanément, et c’est seulement chez 10% des femmes que l’endométriose devient handicapante.
D’autres facteurs entrent en compte dans le développement de la maladie, notamment génétique et épigénétique qui modifient les propriétés des cellules endométriales implantées et l’expression hormonale :
- Au niveau hormonal, on retrouve dans l’endométriose un taux anormalement élevé d’œstrogènes - dû à des dysfonctionnements enzymatiques et à une surexpression d’un récepteur aux œstrogènes – ainsi qu’une résistance à l’action de la progestérone par diminution de ses récepteurs – qui participe à la régulation du taux d’œstrogène,
- Au niveau cellulaire : génétiquement, les cellules endométriales des femmes atteintes sont plus résistantes à l’apoptose (processus physiologique par lequel les cellules déclenchent leur autodestruction en réponse à un signal) grâce à une suractivation d’un gêne anti-apoptotique. Elles se divisent et se multiplient à un rythme effréné, ce qui les rend encore plus vulnérables aux anomalies génétiques. Leur capacité d’adhésion à leur environnement est également accrue.
- Dérégulation de la réponse immunitaire : la présence des cellules endométriales engendre une réponse inflammatoire ayant pour but de nettoyer la cavité abdominale. Dans l’endométriose, cette réponse est insuffisante pour permettre ce nettoyage puisque les cellules endométriales sont trop nombreuses et plus résistantes. En conséquence, le corps crée encore plus de molécules inflammatoires – par ailleurs moins efficaces - qui favorisent le développement de la douleur et d’une hypersensibilité à la douleur. Paradoxalement, ce milieu inflammatoire finit par favoriser l’implantation et le développement des cellules endométriales notamment grâce à l’angiogenèse (développement de vaisseaux sanguins autour de la greffe endométriale). La dysbiose intestinale – avec notamment plus de Proteobacteria, Enterobacteriaceae, Streptococcusand et E. colie – agit potentiellement aussi sur la réponse immunitaire.
3/ Le diagnostic de l'endométriose
On commence à suspecter l’existence d’endométriose à partir du moment où la personne présente des douleurs invalidantes et d’autres symptômes qui correspondent à l’endométriose. La première chose à faire est de consulter son ou sa gynécologue afin de réaliser un examen clinique. Puis ce sont les examens complémentaires -échographie et IRM - qui permettent d’objectiver les lésions d’endométrioses et de préciser leur localisation. Puis en fonction de ce qui est vu à ces deux examens le médecin choisira de faire une exploration plus approfondie en utilisant d’autres examens.
La nouvelle d’un test salivaire est récemment paru dans la presse. L’inserm a publié un article à ce sujet dont je vous recommande la lecture. Dans l’étude5, ils ont d’abord identifié 109 micro ARN qui seraient caractéristiques de l’endométriose, puis ils ont développé un test salivaire capable de détecter ces biomarqueurs. Ce test aurait une sensibilité de 96,7% et une spécificité de 100%. Cependant, on peut noter quelques biais dans cette étude, concernant la formation des groupes, leurs caractéristiques et la sélection de microARN sur laquelle se base l’étude, qui sont bien détaillés dans l’article de l’inserm. C’est une piste prometteuse mais d’autres études sont nécessaires avant de crier victoire.
4/ Les pistes thérapeutiques disponibles
Le traitement varie en fonction de la sévérité des symptômes. A l’heure actuelle, il n’y a pas de traitement curatif définitif pour l’endométriose.
Au niveau médicamenteux, la prise d’antalgique permet de diminuer les douleurs, et parfois c’est la prise d’anti-inflammatoires qui sera nécessaire. Lorsque la femme ne souhaite pas tomber enceinte, la prise de contraceptifs ou de GnRHa permet de supprimer complètement le cycle mentruel, et donc les douleurs qui y sont liées.
En fonction de l'intensité de la douleur, de la sévérité et de la localisation de l'endométriose et en fonction des attentes de la personne, un traitement chirurgical est envisagé. La plupart du temps, on retire les lésions d’endométriose par coelioscopie, technique peu invasive. Cette chirurgie permet de soulager les douleurs. Il y a une récidive sous 5 ans chez 40 à 50% des femmes.
En dehors de l’intervention chirurgicale, d’autres thérapies ont montré des résultats encourageants sur les douleurs de l’endométriose, même si ces études sont encore peu nombreuses et parfois pas assez qualitatives :
- L’acupuncture et le hatha yoga permettent de diminuer significativement les douleurs, et d’améliorer la qualité de vie. Ces thérapies sont recommandées par l'HAS.
- L’électrothérapie permet de diminuer les douleurs, de diminuer les dyspareunies et d’améliorer la qualité de vie.
- Certaines études ont évalué l’influence de l’exercice : en parallèle de la prise de médicament, l’exercice permet de limiter et prévenir la perte de densité osseuse. L’exercice semble aussi avoir un effet protecteur au niveau hormonal.
- Tous les nutriments qui ont une action anti-inflammatoire et antioxidante seront bénéfiques puisque l’endométriose se caractérise par une inflammation chronique. Les études disponibles et concluantes portaient sur la prise d'acides gras (alpha-lipoic acid, palmitoylethanolamide and myrrh) ou la prise d'une association de vitamines (B6, A, C, E), minéraux (calcium, magnesium, selenium, zinc, fer), lactobacille (probiotique) et omega 3 et 6
- Le régime sans fodmap est aussi efficace pour les femmes cumulant SII et endométriose.
- La prise de lactobacilles semble aider à la diminution des douleurs.
- L'ostéopathie : le nombre et la qualité des études sont insuffisants pour prouver l'efficacité de l'ostéopathie sur l'endométriose. Cependant, les quelques études disponibles suggèrent que l'ostéopathie permet de diminuer les douleurs ressenties, et l'HAS recommande l'ostéopathie en complément de la prise en charge médicale de l'endométriose. De plus, si on considère l’impact de l’ostéopathie sur d’autres paramètres tels que l’infertilité, les dysménorrhées et les douleurs pelviennes, d’autres études montrent que l’ostéopathie est bénéfique. Du point de vue de mon expérience clinique, j’ai eu de bons retours suite aux consultations menées auprès de femmes atteintes d’endométriose. Je préconise une approche multiple de la maladie, faisant intervenir plusieurs corps de métiers.
Conclusion
Les recherches et les moeurs concernant l'endométriose ont beaucoup évolué. La France a d’ailleurs développé une stratégie nationale contre l’endométriose qui vise à promouvoir la recherche et l’innovation pour mieux comprendre, diagnostiquer et traiter l’endométriose, et plus largement faciliter l‘accès à l’information et au soin. L’endométriose est une maladie complexe, qui nécessite une prise en charge globale et pluri-disciplinaire. L’ostéopathie est à même de vous accompagner en parallèle d’autres thérapies, pour soulager vos douleurs.